Qu'est-ce que la méthode scientifique ?
Vous pourrez trouver de nombreuses définitions de la méthode scientifique sur internet, certaines plus simples que les autres. Ici, on va faire très simple. En essence, la méthode scientifique ce sont les étapes par lesquelles passent les scientifiques pour générer de la connaissance (de manière objective et structurée). Peut-être avez-vous l’impression que vous vous apprêtez à plonger dans un secret bien gardé, dont la découverte vous semble intimidante, voire inaccessible. Détrompez-vous, la méthode scientifique repose essentiellement sur des étapes logiques. Vous observez quelque chose à propos du monde qui vous entoure, vous essayez d’élaborer une explication (une hypothèse) au phénomène, et vous testez cette explication. D’ailleurs, je suis certaine que vous l’avez déjà utilisée, sans même vous en rendre compte… (ex : panne du grille pain)
Pourquoi la méthode scientifique est-elle importante dans la fiction ?
Dans la fiction, il n’est pas rare de rencontrer des scientifiques qui se comportent et pensent comme des encyclopédies ambulantes et qui se reposent essentiellement sur leur expérience et sur leur intuition pour faire avancer la partie « apprentissage » de l’intrigue. Ce qui n’est pas un comportement de scientifique… Avant tout, les scientifiques sont formés à la méthode scientifique et sont capables de l’appliquer pour générer des connaissances. Si vos scientifiques n’utilisent pas ce cadre de pensée, ils perdront toute leur crédibilité. Et vous ne voulez pas de ça pour votre roman.
Quelles sont les différentes étapes de la méthode scientifique ?
Niveau 1 - facile : l'exemple du grille-pain
1) Faire une observation
Toute démarche scientifique commence par une observation. Par exemple : ce matin, j’ai mis une tranche de pain dans le grille-pain, j’ai actionné le bouton, mais quand je suis revenue plusieurs minutes plus tard, le pain n’était pas grillé.
2) Se poser une question
Une fois que nous avons notre observation, nous nous posons une question. Ici, la question est simple : pourquoi mon pain n’est-il pas grillé ?
3) Proposer une hypothèse
Cette étape est une étape centrale de la démarche scientifique. Il s’agit de fournir une explication possible à notre observation (et donc une réponse possible à notre question). Contrairement à ce qu’on pourrait penser, une bonne hypothèse n’est pas une hypothèse qui s’avère « juste », mais une hypothèse qu’on peut tester ! Dans notre exemple du grille-pain, je pourrais formuler l’hypothèse suivante, aisément vérifiable « le grille-pain n’est pas branché ». Une mauvaise hypothèse serait : « un esprit frappeur a dégommé mon grille-pain ». Pourquoi est-elle mauvaise ? Parce qu’elle est impossible à vérifier.
4) Élaborer une expérience pour tester notre hypothèse (et la tester).
L’exemple du grille-pain est sans doute un peu simpliste, mais dans cette étape, nous allons simplement regarder si le grille-pain est branché. Soit il l’est et vous allez pouvoir manger votre tartine, soit il ne l’est pas et vous allez devoir retourner à la troisième étape et proposer une autre hypothèse testable, et ainsi de suite (c’est la dernière étape : l’itération)
Niveau 2 - intermédiaire : L'exemple du vampire (bah oui, il y a aussi des scientifiques dans la bit lit non ?)
Dans cet exemple, vous incarnez un vampire scientifique qui remarque, assez dépité, que sa victime du jour n’est pas sensible à ses pouvoirs psychiques de persuasion (coucou vampire diaries)
1) Faire une observation
Votre observation est donc : ma victime n’est pas sensibles à mes pouvoirs psychiques de persuasion.
2) Se poser une question
Vous vous posez ensuite la question suivante : pourquoi ma victime n’est-elle pas sensibles à mes pouvoirs de persuasion ?
3) Formuler une hypothèse
Bon. Il y a énormément d’hypothèses possibles. Par exemple, vous pourriez ne pas être dans votre assiette aujourd’hui et avoir momentanément perdu vos pouvoirs. Ou bien, c’est votre victime du jour qui est spéciale et qui est imunisée contre vos pouvoirs. L’hypothèse la plus facile à vérifier est celle de la perte de pouvoir, c’est donc celle que vous allez choisir en premier.
4) Élaborer une expérience pour tester notre hypothèse (et la tester).
Pour mener votre expérience, vous décidez de mettre la main sur une autre victime, dont les caractéristiques sont assez proches de la première. (Si vous avez eu un problème avec une femme, allez chercher une autre femme s’il vous plait). Vous allez exercer vos pouvoirs psychiques sur cette personne. Deux possibilités : soit vos pouvoirs fonctionnent, soit ils ne fonctionnent pas. Dans les deux cas, vous n’allez pas vous arrêter là et vous allez recommencer le processus pour affiner votre réponse.
5) Itérer
Admettons que dans l’étape précédente, vous ayez réussi à envoûter votre victime. Vous êtes soulagé.e et vous poursuivez votre vie ? Que non ! Il vous faut comprendre pourquoi vous n’avez pas réussi à envoûter la première victime ! Bonne nouvelle, vous savez maintenant que ce n’est pas vous le problème. Vous vous posez donc une autre question : pourquoi cette personne résiste-t-elle à mon envoûtement. Etc, etc.
Admettons à présent que dans l’étape précédente vous n’ayez pas réussi à envoûter votre victime. Il est donc fort probable que le problème vienne de vous (enfin, pour en être certain.e, allez tout de même chercher une troisième victime). Bon. Toujours pas ? Vous vous posez donc la question suivante : Pourquoi mon envoûtement est-il inopérant ? (Personnellement, je testerais l’hypothèse suivante : « mon dernier repas est loin, peut-être cela affecte-t-il mes pouvoirs »…) etc. etc.
Et si je vous disais que dans la fiction, nombre de scientifiques s’arrêtent à l’étape trois, et que c’est là qu’ils perdent toute crédibilité ? Dans la partie suivante, je vais vous proposer deux romans qui utilisent à bon escient la méthode scientifique et deux romans qui ne le font pas et analyser de quelle façon cela impacte les lecteur.ice.s.
Passons aux exemples dans la fiction
Exemple 1 : Idéalis

Résumé
[…] Lors d’une mission de routine sur une planète inconnue, Kira découvre un organisme vivant d’origine extraterrestre. Fascinée, elle s’approche de l’étrange poussière noire. La substance s’étend sur tout son corps et commence à prendre le contrôle. Kira, en pleine transformation, va explorer les dernières limites de sa condition d’être humain.
Mais quelle est l’origine de cette entité ? Quelles sont ses intentions ?[…]
Quelle est l'erreur de Christopher Paolini avec son exobiologiste Kira Navarez (Idealis) ?
Kira Navarez est pour moi un bon exemple de scientifique qui s’arrête à l’étape des hypothèses. Bon, d’une certaine manière, elle a une excuse, car on n’a pas toujours le temps de mener des expériences de manière structurée lorsqu’on se retrouve en plein milieu d’une guerre.
MAIS.
Il y a un mais.
Après sa contamination par une entité extraterrestre, Kira s’en retrouve recouverte. L’extraterrestre se comporte comme une seconde peau aux propriétés incroyables. Il montre une grande résistance aux impacts, est capable de s’autoréparer, de combattre, de se défendre, de protéger la vie de son hôte, même dans des conditions extrêmes, comme le vide spatial. De plus, il possède une mémoire.
Ce sont des observations, beaucoup d’observations, et il faudrait probablement des années pour, étape par étape, gagner des connaissances solides sur cette entité extraterrestre en suivant la méthode scientifique. Néanmoins, lorsqu’on pose des questions à Kira sur la nature de cette entité, elle déclare que selon elle, il est impossible que son exoderme soit issu de la sélection naturelle.
Et c’est là que pour moi c’est raté. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas l’histoire qui parle, c’est l’auteur qui parle, et qui utilise Kira pour montrer au lecteur la voie vers ce qu’il a imaginé. Rien ne permet réellement à Kira de faire cette affirmation. Peut-être est-ce son intuition, mais si l’intuition peut aider dans l’élaboration des hypothèses, il reste toutes les autres étapes à parcourir. À ce moment-là, en tant que lectrice, j’ai perdu momentanément ma suspension d’incrédulité. L’auteur est intervenu de manière claire à ce moment-là, et à mon sens, il a commis une erreur.
Exemple n°2 : L'Autre monde

Résumé
[…] New York est balayée par une tempête sans précédent. Des éclairs bleus fouillent les immeubles ne laissant des humains que leurs vêtements ou les transformant en mutants répugnants. […]
Les enfants survivants ont développé des dons surnaturels, faire jaillir le feu, créer de l’électricité. Avec Ambre, Matt et Tobias vont former l’alliance des trois et essayer de comprendre et utiliser leur nouvelle nature. Comprendre aussi l’attitude étrange de certains membres de la communauté.
Maxime Chattam intervient de manière tout aussi évidente dans son roman fantastique l’autre monde, tome 1. Pourtant, nous allons voir que les conséquences ne sont pas les mêmes. Pourquoi ? Par ce que ce sont des enfants qui élaborent ces hypothèses et pas des scientifiques formés à la méthode scientifique.
Suite à cette tempête surnaturelle, les enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes et se pose des questions sur l’origine du phénomène qui a bouleversé leur vie. Très vite, une théorie émerge : c’est la Terre (en tant qu’entité consciente) qui a fait ça, pour se défendre contre ce que l’humanité lui fait vivre. C’est une hypothèse qui va tout de suite être adoptée et creusée. Sauf que : premièrement, cette hypothèse n’est pas vérifiable. Ce n’est pas grave, on est ici dans le cas d’un roman jeunesse dont les protagonistes sont des enfants. Ils n’ont pas à se transformer en scientifique formé du jour au lendemain, même s’ils essaient de remplacer les adultes et étudient les sciences.
Cependant, les protagonistes se raccrochent tout de suite à cette hypothèse, sans imaginer, ou chercher autre chose. Pourquoi ? Simplement parce que c’est l’auteur qui se trouve derrière ça. C’est l’auteur qui veut que ces personnages développent cette hypothèse, et cette hypothèse seulement.
Je ne dis pas ça pour critiquer ce roman, mais pour que vous preniez conscience d’une mécanique qui se retrouve régulièrement d’un roman à un autre, avec des conséquences différentes. L’auteur connaît la solution, donc les scientifiques connaissent cette solution. Essayer d’envisager la quête de savoir et de connaissance comme une enquête policière. Vous ne voudriez pas être sur la bonne piste dès la page trois ? Ni, d’ailleurs que le détective trouve le coupable sans que vous ayez vu le moindre indice…
Je vais maintenant vous proposer deux lectures, dont les scientifiques sont à mon sens terriblement crédibles. Pourquoi ? Parce qu’ils maîtrisent la méthode scientifique. Le premier roman est Bios, de Robert Charles Wilson et le second Erectus de Xavier Müller.
Écrivez-bien,
Nina.
Qui est l'autrice de cet article ?

Nina
Bonjour et bienvenue dans mon petit coin du site web. Je m’appelle Nina et je suis celle par qui toute cette aventure a commencé. Je nourris une grande passion pour les histoires… Voir la suite